Bonjour à tous,
Nous recevons depuis hier des messages généralement sympathiques mais un peu déroutés, à l’image de celui-ci :
« Je ne comprends plus ! Dans le Monde, il apparait que vous soutenez Eva Joly; j’avais pourtant cru comprendre que vous préfériez JL Mélenchon ???? alors c’est quoi ct’histoire??? en fait vous soutenez qui vous voulez, c’est juste pour vous informer au cas où Le Monde vous trahirait ;) car moi ça ne m’empêchera pas de voter Méluche même si j’estime Eva en tant que personne… et bravo pour vos chansons ; j’adore !«
Nous publions ici une réponse commune – puisque l’appellation « La Parisienne Libérée » désigne en réalité un duo constitué d’une auteur-compositrice-interprète et d’un mime-documentaliste ;-)
Musicalement,La Parisienne Libérée et Mimoso
http://www.laparisienneliberee.com
RÉPONSE COURTE
Nous avons accepté que Le Monde publie le texte du portait d’Eva Joly à la fois par conviction antinucléaire et par sympathie pour cette femme courageuse. Mais nous soutenons Jean-Luc Mélenchon et nous voterons pour lui dimanche 22 avril.
La Parisienne Libérée et Mimoso
RÉPONSE DÉVELOPPÉE
Le Monde daté du 20 avril fait état de notre « choix politique » de soutenir la candidature d’Eva Joly, en publiant le texte du portrait que nous lui avions consacré dans l’émission Mediapart 2012 du 2 mars dernier. Ce texte, signé mais non sourcé, est inséré dans une tribune de soutien intitulée « Présidentielle : les raisons d’une conviction » avec le sous-titre suivant « Qu’est-ce qui détermine un engagement politique? Comment choisit-on celui qui deviendra le futur président? Dix personnalités issues du monde artistique et littéraire s’expriment pour les dix candidats ». Cette tribune est à la une du journal sous le titre « Voici pourquoi j’appelle à voter pour… »
Nous avions donné notre accord pour la publication de ce texte, à condition justement qu’il ne s’agisse pas d’une tribune de soutien officiel puisque nous soutenons publiquement la candidature de Jean-Luc Mélenchon. Nous avons en effet participé au meeting de lancement de sa campagne place Stalingrad en juin 2011 et enregistré un message de soutien à sa candidature qui a été mis en ligne le 10 avril dernier.
Tout cela n’est pas très grave, car nos prises de position n’ont que peu d’impact – en tout cas nous l’espérons, car il serait dommage que des électeurs du Front de Gauche ou d’EELV se déterminent par mimétisme. Par ailleurs, nous sommes profondément anti-nucléaires et inquiets que la candidate qui incarne historiquement cette lutte soit à ce point marginalisée dans la campagne. En clair : nous sommes favorables à une sortie rapide du nucléaire, nous avons publié de nombreuses chansons dans ce sens, et si cela signifie que nous « soutenons » Eva Joly alors oui, nous soutenons Eva Joly.
Cependant, il ne faudrait pas non plus jouer sur les mots. A trois jours d’un scrutin présidentiel déterminant, nous ne pouvons pas laisser penser que nous aurions changé de position politique in extremis – voire pire, à la faveur d’une publication. Il y a donc bien eu une erreur quelque part, et nous souhaitons simplement la signaler. Dimanche, nous voterons pour Jean-Luc Mélenchon.
PENDANT QU’ON Y EST…
1. Le nucléaire au Front de Gauche et à EELV
C’est un sujet épineux et cela se comprend facilement quand on considère les choses sous un aspect historique. La politique nucléaire française a été adoptée sans débat public et accompagnée, depuis les années 70, d’un gros effort de communication – pour ne pas dire d’une propagande massive et antidémocratique. De son côté, Jean-Luc Mélenchon répond avec beaucoup de constance dans ses interviews qu’il est personnellement favorable à une sortie rapide et complète du nucléaire. Mais cette position ne fait pas l’unanimité au sein du Front de Gauche et la position officielle est donc celle d’un appel au référendum. Puisque nous sommes anti-nucléaires, pourquoi alors ne pas tout simplement… voter vert et soutenir Eva Joly? Entre EELV qui propose l’écologie politique et sociale et le Front de Gauche qui propose une politique sociale et écologique – ici l’ordre des mots compte – nous avons choisi le Front de Gauche. D’autres éléments sont entrés en ligne de compte, comme la structure politique du parti qui accompagne le candidat : le fait que N. Hulot ait pu être envisagé comme un candidat potentiel nous a semblé inquiétant. L’accord signé avec le PS – accord qui, aux dernières nouvelles, serait respecté dans sa dimension électorale mais pas programmatique (!) – ne nous a pas non plus permis d’être certains que voter « vert » accélèrerait le processus de sortie du nucléaire.
2. Tensions du présidentialisme
Nous avons beaucoup d’amis et de collègues qui voteront, comme nous, pour Jean-Luc Mélenchon dimanche. Nous connaissons un grand nombre d’électeurs qui voteront différemment, et dont le choix s’est porté sur Eva Joly. Il existe des gens très censés qui vont se déplacer et qui iront voter pour Philippe Poutou ou Nathalie Arthaud, dans une tradition de vote ouvrier et d’opposition au capitalisme. Enfin, il y a des gens qui votent pour François Hollande et qui aiment beaucoup nos chansons !
Bref, nous sommes « de gauche » et nous pensons que nous avons beaucoup plus « en commun » avec les électeurs d’Eva Joly, Philippe Poutou, Nathalie Arthaud, François Hollande, qu’avec n’importe quel candidat de droite. N’empêche qu’il existe des rapports de force à gauche dont les enjeux sont politiquement importants, et c’est pourquoi nous souhaitons situer notre vote précisément et sans ambiguïté. Dans une logique où nos institutions seraient plus parlementaires, nous pourrions envisager les choses autrement et nous situer par exemple dans une dynamique commune entre le Front de Gauche et EELV.
3. Les partis pris de la tribune du Monde
Le titre en première page du Monde s’accompagne d’un texte qui commence par ces mots : « Nombre d’observateurs ont noté – pour le déplorer – le relatif silence des intellectuels et des artistes dans cette campagne électorale ». Nous voudrions signaler que cela n’a pas du tout été notre impression. Si nous n’allons pas énumérer ici tous les artistes et intellectuels qui ont fait part de leur engagement aux cours de ces derniers mois, nous trouvons la formule « Nombre d’observateurs » très vague.
Au passage, le journal écrit aussi: « Comment choisit-on celui [sic] qui deviendra le futur président? ». Cela peut paraître anecdotique, mais puisqu’il y a aussi des candidates, le choix de l’intitulé masculin est regrettable.
Enfin, oublions qu’il s’agit de notre texte et considérons l’espace qui a été attribué à la candidate Eva Joly dans les trois pages 20-21-22 qui publient les fameuses tribunes de soutien. Cette place est de très loin la plus petite, et se résume à un filet de vers signés mais non contextualisés, coincés entre un bord de page et une tribune favorable au FN. Certes le Monde a couvert la campagne d’Eva Joly (lire par exemple la veille, dans le journal daté du 19 avril : « Chronique d’un fiasco ») ; et il est également vrai que la campagne de la candidate EELV a rencontré de véritables difficultés. Mais dans une tribune de ce type, il nous semble qu’il aurait été souhaitable de veiller à plus d’équité entre les candidats, ne serait-ce qu’en termes de nombre de signes et de répartition de l’espace.
4. Pourquoi nous ?
Une question simple : pourquoi sommes-nous sollicités pour prendre part à la campagne électorale ? S’agissant des artistes, c’est souvent la notoriété qui confère un poids à leur choix politique, et leur engagement agit alors comme un levier de type « prescriptif» – sur le modèle : « si vous aimez mes chansons, votez comme moi ». Nous sommes évidemment moins célèbres que d’autres « personnalités » artistiques cités dans la tribune du Monde (R. Guédiguian pour le Front de Gauche, G. Moustaki pour le NPA, Y. Simon pour le PS). En revanche, depuis l’élection de mai 2007, nous avons rendu publiques 72 clips de chansons que l’on peut légitimement qualifier comme étant des chansons « d’opposition » au gouvernement de N. Sarkozy (voir par exemple la dernière en date publiée hier par Mediapart, sur le meeting de la Concorde). Nous espérons que c’est ce (gros) travail qui nous vaut aujourd’hui d’être cités dans le cadre de la campagne présidentielle, et que nos chansons seront également mises à contribution pour alimenter le débat sur des thèmes sociaux et environnementaux lors des prochaines législatives.
5. Pour en sourire, rien de tel qu’un bon dessin de la P’tite Blan
http://blogs.mediapart.fr/blog/la-ptite-blan/200412/consignes-de-vote
Bon vote à tous dimanche !
La Parisienne Libérée et Mimoso
http://www.laparisienneliberee.com
DOCUMENTS