De Bure en Lorraine, d’Akkuyu à Sinop en Turquie, en passant par la mémoire du port d’Auckland, voyage musical en terres antinucléaires.
SOMMAIRE
Rue Fernando-Pereira : L’affaire Greenpeace a 30 ans
Le nucléaire turc et les neuf centrales de Paris : Si les touristes savaient…
Longue vie à Bure : Faire les 100 000 pas contre l’enfouissement
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Rue Fernando-Pereira : l’affaire Greenpeace a 30 ans
Il y a 30 ans, le 10 juillet 1985, mourait Fernando Pereira, photographe sur le Rainbow Warrior de Greenpeace, tué lors du plastiquage du navire écologiste par les services secrets français. Edwy Plenel a récemment raconté ses souvenirs de l’affaire dans un ouvrage intitulé La Troisième Équipe.
À l’occasion de cet anniversaire, Greenpeace a lancé un appel : « Une rue pour Fernando ». N’ayant pas le pouvoir de baptiser des rues, je relaye ici cet appel en chanson, espérant qu’il parviendra à l’oreille musicienne d’une ou d’un maire de France.
RUE FERNANDO-PEREIRA
Paroles et musique de la Parisienne Libérée
C’était une campagne Pacifique
Vers l’atoll de Mururoa
Contre les essais atomiques
Il y a 30 ans de cela
C’était une campagne Pacifique
Et le bateau était au port
Lorsque deux bombes « sataniques »
Coulèrent le Rainbow Warrior
Rue Fernando-Pereira
On se souvient de tout ça
Rue Fernando-Pereira
C’est la campagne Pacifique
Et la guerre des services secrets
Avant le réchauffement climatique
La disparition des glaciers
C’est la campagne Pacifique
Contre le saccage des lagons
Par des puissances technocratiques
L’irrémédiable irradiation
Rue Fernando-Pereira
On se souvient de tout ça
Rue Fernando-Pereira
Deux agents ratent leur accostage
Et se font tout de suite repérer
Puis en plein port, c’est le sabotage
Du genre service pas très secret…
Se croyant comme aux colonies
Quand la DGSE plastique
S’il y a des morts, eh bien tant pis
Z’avaient qu’à pas être pacifiques !
Rue Fernando-Pereira
On se souvient de tout ça
Rue Fernando-Pereira
Plusieurs nageurs bien entraînés
En route vers le port d’Auckland
Transportent sur un voilier
Des nitrates de contrebande
Alors qu’une troisième équipe
Opère en mode sous-marin
Et pose les charges fatidiques
Il y a trente ans, je m’en souviens
Rue Fernando-Pereira
On se souvient de tout ça
Rue Fernando-Pereira
Dommage qu’elle n’existe pas…
Le nucléaire turc et les neuf centrales de Paris
Un grand merci à la chercheuse Sezin Topçu qui m'a accordée, à l'occasion de cette chronique, un entretien approfondi autour de ses recherches actuelles sur le nucléaire en Turquie et m'a fourni les indispensables traductions. Merci également à la militante Oya Koca, porte-parole de l'association antinucléaire "Sinop Bizim", pour son aide documentaire et son enthousiasme communicatif !
En Angleterre, en Finlande, avec un succès très mitigé, la France tente d’exporter son savoir-faire nucléaire. La puissante Arabie Saoudite serait a priori partante pour acquérir deux EPR, selon sa « déclaration d’intention ». La Turquie d’Erdogan, elle aussi, a signé pour quatre réacteurs « Atmea » d’un type inédit, codéveloppés par Areva (France) et MHI (Mitsubishi, Japon).
Le 10 mai 2015, Taner Yildiz, ministre turc de l’énergie, soucieux de démontrer que l’industrie nucléaire n’a pas d’impact sur la fréquentation touristique, avait déclaré : « Pergelin ucunu Eyfel Kulesi’nin ortasına koyun, 90 kilometre bir çizgi çekin, 9 nükleer santral var. Paris’e 55 milyon turist geliyor. » Autrement dit :
« Posez la pointe de votre compas sur la tour Eiffel et dessinez un cercle de 90 km de rayon, vous trouverez neuf centrales dans ce périmètre. Paris accueille 55 millions de touristes. »
Taner Yildiz, ministre turc de l’énergie, mai 2015
Source : Agence Anatolie
Je ne sais pas d’où sort son chiffre pour l’évaluation des touristes, mais le nombre de centrales nucléaires est faux : il n’y en a aucune dans un périmètre de 90 km autour de la tour Eiffel. La première est à 94 km, c’est celle de Nogent-sur-Seine. Savez-vous toutefois, amis turcs, français, voisins parisiens, qu’il y a six centrales, totalisant seize réacteurs, dans un rayon de 180 km autour de la capitale ? C’est énorme, vous ne trouvez pas ? De nombreux habitants de la Ville de Lumière ignorent probablement ce fait. Peut-être aussi que si les touristes le savaient, ils seraient moins prompts à séjourner dans notre capitale…
Le régime d’Erdogan, critiquable et critiqué, n’a toutefois pas de leçons démocratiques à recevoir de la France sur la question spécifique du nucléaire : cette orientation politique n’a jamais fait, lors de son lancement dans notre pays, l’objet d’une réelle consultation ni d’un débat public – et cela malgré le degré de nucléarisation extrême qui caractérise notre pays.
Il suffirait juste que monsieur Taner Yildiz ouvre un peu son compas, baisse légèrement son chiffre, et pour la première fois de l’histoire, peut-être… un ministre de l’énergie dirait la vérité à la population !
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PLEIN DE GENS DISENT NON AU NUCLÉAIRE
[O kadar insan nükleere hayır diyor]
Paroles et musique de la Parisienne Libérée
O kadar insan nükleere hayır diyor
Plein de gens disent non au nucléaire
O kadar insan nükleere hayır diyor
Plein de gens disent non au nucléaire
Allô allô ? Allô, la Turquie ? Ici Paris !
Chers voisins, chers amis,
Je vis au pays des 58 réacteurs et des 19 centrales
Et depuis toujours, j’habite la capitale
Dans un rayon de 90 km autour de la tour Eiffel
Je suis absolument formelle
Il n’y a pas la moindre centrale nucléaire.
Je répète, pour que ce soit clair :
Ni 9, ni 7, ni 6, pas l’ombre d’une.
Zéro, aucune.
Ceci n’est pas un réacteur
Non ! C’est le Sacré-Cœur !
Pas une bombe à neutrons
Mais non, c’est le Panthéon !
Pas un signal d’alarme
Juste les cloches de Notre-Dame
Et du coup, ça c’est l’Opéra ?
Ah non ! Ça, c’est l’CEA…
O kadar insan nükleere hayır diyor
Plein de gens disent non au nucléaire
O kadar insan nükleere hayır diyor
Plein de gens disent non au nucléaire
Des labos, des déchets, des centres de décision
Mais pas d’électricité en production
Comme tous les ministres de l’énergie
Le vôtre vous a menti
Doublez le rayon et malheureusement
Vous trouverez Belleville, Dampierre, Nogent
Saint-Laurent-des-Eaux, Paluel, Penly
J’y pense et puis j’oublie…
O kadar insan nükleere hayır diyor
Plein de gens disent non au nucléaire
O kadar insan nükleere hayır diyor
La Turquie n’a pas encore de centrales nucléaires sur son territoire. Ce n’est pas faute d’avoir essayé depuis plusieurs décennies.
Arrivé au pouvoir en 2002, l’AKP a officiellement relancé le programme nucléaire depuis 2004. Deux centrales sont actuellement en projet :
LE PROJET D’AKKUYU
La première se situerait dans le sud du pays, au bord de la Méditerranée, à Akkuyu.
Elle serait conduite par le géant russe Rosatom sur un modèle dit « BOO » : Build, Own, Operate. Autrement dit, l’entreprise russe prendrait en charge la construction, l’exploitation, et serait propriétaire à vie de la centrale d’une puissance de 4 800 MW. Cela représenterait un investissement d’environ 20 milliards de dollars pour la Russie, en contrepartie d’une garantie de rachat d’électricité à prix fixe pendant 15 ans. Une importante propagande – pardon, un remarquable effort de communication vers le public – accompagne ce projet.
Dans son séminaire de recherche à l’EHESS, « Sociologie et politiques de l’énergie », la chercheuse Sezin Topçu (que nous avions rencontrée l’année dernière pour un entretien de documentation sur l’histoire de la responsabilité civile nucléaire), explique qu’un concours a été organisé afin d’encourager les populations à proposer des broderies, des dessins, des maquettes, des logos, sur le thème de la future centrale d’Akkuyu (voir la galerie photo en ligne et la présentation du projet en turc) :
Une publicité diffusée en boucle à la télévision montre ainsi des enfants faisant du vélo, rieurs, traversant un pont, la multiplicité de leurs petites lumières cyclistes rieuses roulant d’un même élan joyeux vers la rive de la Grande Lumière… Le spot est visible ici.
Parallèlement à cette offensive éducative et télévisuelle, une opération publicitaire de vaste envergure a couvert le pays d’une affiche faisant la promotion d’« Akkuyu Nükleer ». Dans une grande partie du pays, on peut croiser le visuel de cette campagne à haute fréquence le long des routes, sur les bus, trains, etc.
L’ampleur de la campagne n’a pas manqué de provoquer l’ironie des internautes turcs opposés à la construction, qui ont aussitôt détourné l’affiche pour dénoncer les risques encourus et contester le projet :
Sur le plan politique, l’aventure industrielle et politique d’Akkuyu a été « sécurisée » par un accord bilatéral entre la Turquie et la Russie, empêchant tout débat parlementaire, et surtout, tout recours juridique. La population turque n’a pas été plus consultée sur ce projet que la population française lors du plan Messmer, comme nous le rappelions en introduction.
Le chantier de la centrale russe d’Akkuyu a officiellement démarré en avril 2015. L’investissement est élevé pour les Russes, très actifs sur le marché du nucléaire, qui auront peut-être d’autres priorités dans les années à venir. Par ailleurs, les élections législatives du 7 juin ont récemment permis au parti HDP (opposition) d’obtenir 80 députés : c’est un réel début de changement dans le pays. Un remaniement n’est pas exclu dans les mois à venir, ce qui pourrait avoir des incidences sur le projet d’Akkuyu.
LE PROJET DE SINOP
Le second projet de centrale se situe dans le nord de la Turquie, au bord de la mer Noire, à Sinop. Portée par un consortium Mitsubishi/Itochu (pour le Japon), EÜAS (pour la Turquie) et Engie (ex-GDF Suez, pour la France), cette seconde centrale coûterait environ 22 milliards de dollars et verrait la réalisation de quatre réacteurs d’un nouveau type, appelés « Atmea », pour une puissance totale de 4 400 MW. Un terrain de 39 hectares a d’ores et déjà été réservé pour le projet. Il inclut plusieurs villages habités par 38 000 personnes et toucherait une zone de pêche essentielle pour l’activité économique du pays. La centrale nucléaire de Sinop menace aussi directement une presqu’île couverte de forêts, où vivent plus de 1 600 espèces végétales. La province de Sinop, dans son ensemble, est d’ailleurs l’une des plus belles du pays.
Les relations diplomatiques de Paris et d’Ankara sont complexes. Mais lorsqu’il s’agit du nucléaire, tout est pardonné : Areva, qui a développé le réacteur Atmea avec les Japonais, s’était déjà publiquement réjoui à l’annonce de ce contrat historique. L’année dernière, Engie (ex-GDF Suez) a fait de même, sans que cela ne semble soulever de réels questionnements politiques.
Les citoyens français, rarement informés de la participation française à ce projet de centrale turque, sont restés silencieux.
LA PLATEFORME ANTINUCLÉAIRE TURQUE
En Turquie, en revanche, de nombreuses oppositions se sont exprimées face au programme nucléaire de l’AKP.
Autour d’Akkuyu en 2011, des groupes écologistes, des architectes, des ingénieurs, des médecins ont engagé des actions devant la justice, estimant que d’importantes incertitudes demeuraient, notamment sur la gestion des déchets, les responsabilités en cas d’accident et l’étude du risque sismique ainsi que des impacts environnementaux sur le milieu maritime.
Autour de Sinop, des contestations ont également vu le jour. Une lettre a ainsi été envoyée au parlement japonais l’année dernière pour appeler les élus à réfléchir avant de valider le programme de construction. Elle a été rédigée par Oya Koca, porte-parole du groupe antinucléaire « Notre Sinop » (« Sinop Bizim ») et a été cosignée par plusieurs dizaines de groupes antinucléaires rassemblés dans la Plateforme antinucléaire turque (NKP pour « Nükleer Karsiti Platform »).
Elle rappelle aux députés japonais l’existence d’un réel risque sismique en Turquie, d’un pouvoir autoritaire depuis plus de dix ans, qui s’est illustré par la répression sanglante des mouvements protestataires de Gezi ; l’absence de concertation sur le choix nucléaire, non seulement avec les populations, mais aussi avec les scientifiques ; le fort niveau de corruption qui caractérise le pays, ainsi que les défaillances de l’agence nucléaire turque (TAEK) lors de la catastrophe de Tchernobyl.
La lettre, que nous reproduisons ici, se termine sur l’évocation des risques géopolitiques associés à l’existence d’une Turquie nucléarisée, fournisseur potentiel de plutonium pour le Moyen-Orient. Envoyée aux parlementaires japonais, accompagnée d’un vase qui contenait du sable de « Karakum » (une célèbre plage de la région de Sinop, Karakum signifiant « sable noir »), elle n’a pas reçu de réponse du Japon, qui a voté la poursuite du projet.
Plusieurs manifestations antinucléaires importantes ont eu lieu ces dernières années, avec des slogans explicites comme « Le nucléaire ou la vie », comme on peut le voir sur cette vidéo tournée dans le nord du pays en avril 2015.
Les internautes turcs ne manquent d’ailleurs pas d’humour et de créativité lorsqu’il s’agit de dénoncer l’industrie nucléaire, comme en témoignent ces photomontages :
Bonus : le spot publicitaire des « nouvelles énergies »
Le parti au pouvoir, l’AKP, a choisi d’afficher sa volonté électrique jusque dans son propre logo, qui figure une ampoule à vis allumée :
L’ampoule est censée symboliser le symbole d’un régime à venir, transparent et non corrompu. L’AKP (Adalet ve Kalkinma Partisi) signifiait initialement Parti de justice et de développement. Puis il s’est rebaptisé « Ak Parti », ce qui signifie littéralement « Parti blanc ».
En mai, l’AKP illustrait sa campagne législative par une série de vidéos sur la « Nouvelle Turquie » (voir la playlist ici), abordant différents thèmes de société comme la santé ou l’éducation. Ces publicités vantent aussi la politique de grands travaux : troisième pont du Bosphore, troisième aéroport d’Istanbul, TGV – autant de projets contestés.
L’un des spots s’intitule « Nouvelles ressources énergétiques ». Il est consacré à la promotion de l’énergie nucléaire, on peut le visionner ici . On y voit un homme de classe moyenne, sans doute retraité sur la côte méditerranéenne, se féliciter de construction de la « nouvelle centrale » (d’Ayukku), tandis que son interlocuteur semble hésiter. Ce dernier se laisse convaincre par les arguments éclairés du pronucléaire, ou en tout cas ne l’empêche pas d’avoir le dernier mot.
Dans cette vidéo, le promoteur du nucléaire reprend l’argument des neuf centrales situées dans un rayon de 90 kilomètres autour de Paris, en réévaluant le chiffre et avec un périmètre moins mathématique : « Il y a 6 centrales sous le nez de Paris » (Paris’in burnunun dibinde 6 tane nükleer santral var).
À titre de bonus, voici ce spot sous-titré en français, anglais et turc :
Traduction : Sezin Topçu
Pour afficher les sous-titres, cliquer sur le rectangle en bas à droite de la vidéo.
DOCUMENTATION
– Sezin Topçu, « L’art d’opérer la « transition atomique » dans l’après-Fukushima : le cas de la Turquie », communication dans le séminaire de recherche Sociologie et politiques de l’énergie, EHESS, Paris, 8 juin 2015
– Oya Koca, porte-parole de Sinop Bizim : campagne citoyenne contre l’action soudaine du gouvernement pour construire des centrales nucléaires à Sinop et dans le reste de la Turquie
– Lettre de la plateforme antinucléaire turque aux parlementaires japonais, écrite par Oya Koca
– Photomontages publiés sur Bobiler, site d’information et de critique créative qui se définit lui-même de la manière suivante : « Bobiler.örg est un endroit où nous refaisons le design d’objets, d’événements, de concepts, de personnes, de lieux, bref de tout. C’est un univers en parallèle que nous créons ensemble. Le contraire de cela serait inimaginable. »
– Dépêche du 10 mai 2015, agence Anatolie
– Compte YouTube de l’AK Parti
– Akkunp : site du projet de la centrale d’Akkuyu
– Turquie, sur le site de l’IAEA
Longue vie à Bure ! (et bel été à tous)
Le 7 juin 2015, les opposants au projet d’enfouissement de déchets nucléaires à Bure se sont rassemblés pour faire les « 100 000 pas à Bure ».
J’ai filmé cette mobilisation festive et déterminée qui a rassemblé près de 2 000 personnes, entre militaires et coquelicots :
> regarder la vidéo sur youtube
MUSIQUE
Chorale « Les mauvais jours finiront » (Verdun)
« La petite centrale » (1981) d’André Bialek
Chorale des Sans-Nom (Nancy)
« Figli dell’Officina » (1921) de G. Raffaelli et G. Del Freo
« La révolte » (1886) de Sébastien Faure
Les Bure Haleurs
« Activité radioactive »
« Pas de déchets à Bure »
PROJETS D’ENFOUISSEMENT : À BURE, ÇA FAIT 30 ANS QUE ÇA DURE !
Le site est menacé par un projet industriel d’enfouissement nucléaire appelé « Cigeo » qui prévoit de stocker en profondeur les 100 000 m3 de déchets atomiques (combustibles usagés) les plus dangereux. Il accueille pour l’instant plusieurs infrastructures d’Edf et de l’Andra, en particulier un « laboratoire » :
vidéo de présentation officielle de l’Andra
La lutte dure à Bure depuis près de 30 ans et Cigeo n’est encore qu’un projet, mais son autorisation éventuelle agite régulièrement le parlement. Le sénateur de la Meuse Gérard Longuet vient de réussir à faire passer un amendement in extremis au sein de la loi Macron, avec l’aide des socialistes, favorisant l’autorisation à venir de Cigeo. L’utilisation du 49-3 pour imposer sans débat un projet aussi incertain est une provocation politique et un procédé parfaitement antidémocratique.
Comme l’a déjà raconté Mediapart, la situation à Bure s’accompagne par ailleurs de fortes pressions financières sur les communes avoisinantes, ce qui pose de multiples problèmes politiques localement.
Les opposants au projet ne se focalisent pas sur Bure : c’est le principe même de l’enfouissement profond qu’ils refusent, ici et ailleurs, parce qu’il est dangereux et irréversible. Plusieurs projets « pilotes » en ce sens se sont d’ores et déjà soldés par des échecs et illustrent autant de désastres à venir : l’eau s’infiltre (Mine d’Asse, en Allemagne), le confinement rend les risques d’incendie et d’explosion élevés (Waste Isolation Pilot Plant, au Nouveau-Mexique).
Que faire, alors, des déchets nucléaires ? D’abord, surtout ne pas les enfouir et arrêter d’en produire. Au lieu de cela, les promoteurs du projet essayent régulièrement de faire passer en douce des amendements Cigeo – comme on l’a encore vu récemment avec la loi Macron.
En ce dimanche matin de début juin, à la frontière de la Meuse et de la Haute-Marne (situer sur une carte en ligne), quatre randonnées sont organisées autour du site de l’Andra, ouvertes à tous (parcours de 5 à 17 km). Après les marches, un pique-nique rassemble les participants à l’ombre de grandes tablées. Le vent est agréable et l’ambiance détendue, malgré l’omniprésence de la surveillance.
Les tracteurs de la Confédération paysanne arrivent triomphalement et se garent devant l’entrée de l’Andra. Sur l’estrade agricole, les intervenants font le lien avec d’autres luttes et résument la situation à Bure : Cigeo n’existe pas encore, mais le échéances se rapprochent car l’Andra doit finaliser une demande d’autorisation de création avant fin 2017.
Dans l’après-midi, les participants sont appelés à faire une chaîne humaine le long des grilles qui clôturent l’Andra et parviennent à encercler totalement le bâtiment.
Les joyeux « Bure Haleurs », la chorale de Verdun « Les mauvais jours finiront » et « La chorale des Sans-Nom », venue de Nancy, assurent la partie musicale du programme.
Pour mieux comprendre les enjeux de la lutte à Bure, vous pouvez consulter le site du collectif Meuse contre l’enfouissement des déchets radioactifs, Bure Stop 55, ainsi que celui de la « Maison de résistance », Bure Zone libre. Le livre intitulé Notre colère n’est pas réversible vient également d’être réédité et raconte toute la lutte depuis 1987. Il existe aussi un film indépendant visible en ligne et diffusé sous la licence militante « Domaine public ».
Les collectifs de Bure seront actifs cet été avec notamment « Le rallye des Bure à cuire » du 12 au 18 juillet, un rassemblement sur le site de Bure le 19 juillet où chacun sera invité à faire le tour de l’Andra par le moyen de son choix, ainsi qu’un camp international de rencontres et d’action du 1er au 10 août.
Très bel été à tous !
L’ensemble des contenus de la rubrique « Rythm&News » sont placés sous licence creative commons pour les usages non commerciaux. En cas de problème technique lié à la lecture des fichiers, vous pouvez essayer de les lire directement sur soundcloud (audio) ou vimeo (vidéo). Un grand merci à Mimoso pour son aide documentaire sur cette chronique.