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Depuis octobre 2011, avec la complicité de Mimoso à la documentation, j’ai écrit et interprété plus de 120 «chansons de presse» que Mediapart a diffusées dans le cadre d’une chronique vidéo publiée chaque jeudi à 13h.
Il s’agit de poursuivre ce travail dans le cadre d’un nouvelle rubrique intitulée Rythm&News*, où je présenterai des créations musicales, de la photographie, des rencontres, des remixes politiques, de la poésie, des reportages subjectifs, de la philo, un horoscope des luttes… et bien sûr des chansons !
Cette évolution est la suite logique de diverses expérimentations qui ont ponctué la production des chroniques ces trois dernières années. Petit tour d’horizon.
1. Les chansons-interview
Il y a d’abord eu l’invention d’une forme de duo autour de la «chanson-interview». J’y pensais depuis quelques temps, sans trouver comment l’articuler concrètement. C’est Emmanuel Todd qui a inauguré le format en décembre 2011, à l’occasion d’un entretien qu’il donnait à Martine Orange et Antoine Perraud (l’article est ici). Je m’étais occupée de filmer et de prendre le son de cette rencontre, et en écoutant les bandes j’entendais dans la parole de l’interviewé un rythme et des intonations très particulières qui me donnaient envie de mettre son propos en musique… Il s’est prêté au jeu et a bien voulu servir de cobaye pour ce premier duo imaginaire, ce qui a donné naissance à la chanson «Le subconscient de la gauche». En juillet 2012, après avoir lu plusieurs articles remarquables sous sa plume, j’ai eu envie de renouveler l’expérience avec le philosophe Michel Feher. La matière de notre entretien a donné lieu à une chanson intitulée «L’empire du futur proche», complétée par un article sur les concepts du néolibéralisme. Dans la même série, j’ai proposé en mars 2014 à la chercheuse Sezin Topçu de participer à un duo imaginaire. Cela a permis de créer une chanson-interview dont le format s’est complexifié et allongé : «Arithmétique de l’accident nucléaire» est une sorte de tango noir et jaune d’un dizaine de minutes, qui alterne des citations de la chercheuse, un refrain, et des données chiffrées issues des rapports officiels.
2. Les chroniques à plusieurs volets
Parfois, la chanson est une forme adaptée au sujet que l’on veut traiter, mais celui-ci est si riche ou si fluctuant que je suis amenée à l’aborder sous forme d’épisodes. Cela était déjà le cas en décembre 2012 avec «Si le père Noël existe, il est socialiste», un diptyque sur le CICE (voir ici et là). Plus récemment, j’ai produit une série de cinq chroniques-interviews écrites à partir d’un long entretien de documentation avec Jérémie Zimmermann, évoquant des problématiques liées à nos libertés numériques. Non content d’avoir inspiré les chansons, Jérémie m’a rejoint en studio pour les interpréter à deux voix. Cela a donné les cinq titres de «Datalove». La chronique publiée à la fin de la saison dernière autour de la mobilisation des intermittents et précaires s’est elle aussi déployée sur trois volets consacrés aux «Interluttants».
3. Les montages musicaux
D’autres fois, il est arrivé que les mots des autres chantent sans qu’ils ne s’en aperçoivent. Dans ces cas là, l’écriture peut se faire directement à partir de l’image elle-même. Au fil des semaines, avec Mimoso, il nous est ainsi arrivé de visionner tellement de discours et d’archives audiovisuelles sur le thème que nous explorions, que la nécessité de réaliser de petits montages musicaux s’est imposée. Première édition de cette série, l’intervention de François Hollande à la télévision grecque en juin 2012 a généré un clip intitulé «Je respecte le peuple grec» dans lequel ma voix n’intervient qu’en doublure parlée, pour souligner la dualité du discours tenu.
Il peut aussi s’agir de mettre en évidence des filiations historiques, des refrains chantés à longueur de journée dans l’espace public. Ainsi quand Manuel Valls, ministre de l’intérieur, se pose en interprète de «La voix de l’antiterrorisme», un montage d’archive se révèle plus éloquent qu’une chanson pour replacer cet air dans le grand concert monotone de la Vè république menacée… et expliquer d’où vient la partition.
Les pressions européennes sur la réforme des retraites, les guerres françaises au Mali et en Centrafrique, la hausse de la TVA : il m’est arrivé ainsi à de multiples reprises, dans le cadre de mes chroniques, d’avoir recours à des montages musicaux pour donner à voir et à entendre l’actualité.
4. Les excursions
Dans ma production il y a aussi eu quelques ovnis complets, des chroniques intempestives qui ne respectaient même pas la coutume du jeudi, n’étaient pas toujours musicales, n’avaient pas forcément de paroles.
Ainsi en octobre 2013 quand François Hollande s’est adressé aux français à propos de l’expulsion de Léonarda, j’ai publié un remix sur le vif intitulé La honte. Un autre exemple est «Nantes, 22 février», un reportage subjectif de 25 minutes, basé sur des photographies et des prises de son réalisées pendant de la manifestation contre le projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes; ou encore «À gauche !», un petit film tourné lors d’une manifestation parisienne contre l’austérité, dans laquelle la partie musicale est assurée par les manifestants.
5. Liberté de sujet, liberté de format
Des chansons, des interviews musicales ou non, des remixes de discours actuels et d’archives, des photographies, des films… La matière est là ! La liberté dans le choix des sujets a toujours été complète et réelle, c’est un des avantages de l’écosystème radical qui caractérise Mediapart. Il s’agit de poursuivre cette expérience mêlant musique et actualité, en poussant plus loin la liberté de publication et la diversité des formats.
Pourquoi toujours s’exprimer sous forme exclusivement vidéo ? Par exemple, certains documents sonores vivent très bien la voisinage avec une image fixe ou un texte, sans qu’une image animée ne vienne prendre le dessus sur notre écoute. Par ailleurs, pourquoi viser systématiquement un format de 3-4 minutes ? Là il y a une raison qui n’est pas directement artistique, mais plutôt liée aux contraintes de publication : en une semaine il est difficile de faire plus long, surtout si on s’astreint à composer une chanson documentée, à l’enregistrer et à l’interpréter. Du coup la question devient : pourquoi publier tous les jeudis ? Mais parce que le public attend, pardi…
Eh bien nous faisons de pari que les personnes qui aiment nos chansons, nos textes, nos images, auront la curiosité d’attendre qu’ils soient terminés pour en profiter et les partager ! Artistiquement, cela nous amènera certainement à créer d’une façon nouvelle, à enrichir nos arrangements, nos images, à varier nos approches, bref à être encore plus libres dans notre expression et donc efficaces dans notre critique. Certes, il nous faudra peut-être deux ou trois éditions pour que le projet prenne forme, mais je suis sûre avec votre soutien et vos retours nous trouverons rapidement notre tempo.
Ça commence quand exactement ? Eh bien… quand ça sera prêt, donc ;-))
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À bientôt ! ♫
La Parisienne Libérée